S’envoler

S’envoler

Harty

Vendredi, Harty s’est envolé.

Harty c’est qui ? c’est un magnifique chat noir, dont l’intelligence m’a frappée, et qu’il m’a été donné de garder de manière ponctuelle . Oui mais voilà, cet adorable félin a décidé de quitter ce plan terrestre vendredi dernier dans un souffle très léger, presque sous les yeux de sa gardienne

Alors j’ouvre une parenthèse ici, et je dis bien gardienne (ou gardien) car personne n’est propriétaire d’un animal au sens spirituel du terme. Il ne s’agit pas d’un bien ou d’un meuble, mais d’un être vivant qui sent et qui ressent. Nous sommes les gardiens de ces êtres vivants, nous en sommes responsables , et nous nous devons de les protéger
Retenez : Propriétaire sur le papier, et Gardien dans la réalité, c’est pas plus compliqué.

Au-delà de cette douleur qu’il laisse derrière son départ, Harty aura eu une jolie vie, 13 années de règne, une vie de Pacha , remplie d’amour, d’attentions , de jeux et de croquettes aussi à foison.
Mais ce vendredi-là , il avait un rendez-vous particulier. Vous savez ce genre de  rendez-vous que nous devrons tous honorer à un moment donné de notre existence , ce rendez-vous où l’on va tous aller vérifier ce qui se passe de l’autre côté.
Après le choc, le déni, la colère, la tristesse est bien là , bien présente dans nos cœurs, elle prend peu à peu possession du vide qui vient de s’installer. On appelle ça une traversée de deuil car, oui, il existe bel et bien un deuil pour nos compagnons à quatre pattes.
Et qui n’a jamais eu un animal de compagnie ne peut pas comprendre.

« Non mais t’exagères là, ce n’est qu’un chat ( ou ne n’est qu’un chien) ! »
« Oui, mais il y a des enfants qui meurent partout dans le monde quoi… »
Ainsi va notre Monde avec ses zones d’ombre, de chaos, d’ignominie et qui pouvons-nous personnellement ?
Alors à tous les empêcheurs de tourner en rond, je vous pose cette question : en quoi le fait de s’empêcher de vivre cette tristesse, ce deuil, va-t-il améliorer la vie des enfants qui souffrent dans le Monde ?
Est-ce que je peux agir concrètement là-dessus ? Non pas vraiment . La seule chose que je puisse faire c’est travailler sur mes blessures d’âme, m’offrir de la sagesse et communiquer cette lumière à mon voisin.
Pourquoi certaines douleurs seraient plus légitimes que d’autres ? Aux yeux de qui ou de quoi ?
Pourquoi faut-il toujours se plier à une hiérarchie dans la souffrance ? Pourquoi faut-il culpabiliser en tentant péniblement de faire le deuil de son animal qui incarne à lui tout seul parfois mon unique raison de vivre (je pense aux personnes âgées) ?
Parce qu’il y a des codes à respecter, parcequ’il y a une frontière à ne pas franchir dans la démonstration de ses émotions,  parce que ce n’est qu’un chat ou qu’un chien après tout, parce qu’il y a des enfants qui sont tués quotidiennement à GAZA ou ailleurs…et ceci est une dramatique réalité.
Alors on s’interdit très vite de verser ses larmes, on coupe court très rapidement à nos émotions, et on va enterrer ce chapitre dans les ténèbres de notre psyché.

Et les émotions dont on ne s’occupe pas… s’occupent de nous (Thomas d’Ansembourg) Ne l’oublions pas.

La plus grande difficulté du deuil animalier réside dans le fait qu’on peut difficilement en parler sans passer pour quelqu’un d’irresponsable devant toute la misère déployée sous nos yeux,  sans se sentir ridiculiser, voire juger . Il s’agit alors de trouver la bonne « oreille », une écoute à la fois neutre et compatissante. Pas évident.

Je fais partie de ces personnes qui ont une connexion, ou plutôt une sensibilité particulière avec le monde animal, et croyez-moi ce n’est pas un cadeau, c’est même un véritable fardeau que de porter cette conscience-là.
Je ne sais pas pourquoi, je ne cherche même plus à comprendre, peut-être est-ce dû au fait que j’ai grandi dans un milieu de chasseurs et que je n’étais pas en phase avec ce « loisir ». Un mystère pour moi que de jouir en ôtant la vie à des êtres dont la pureté n’est aujourd’hui plus à prouver.
Et tandis que d’autres les élèvent pour notre consommation, il y a en moi cette profonde interrogation : au final qui « élève » qui ?
Car ce sont souvent les animaux qui nous « élèvent », j’entends bien sûr et vous l’aurez compris, qui nous font prendre de la hauteur et nous enseignent l’amour inconditionnel, et quelle leçon d’humilité devant la déchéance de notre humanité, vous ne trouvez pas?

Alors, lorsque la symphonie du déclin s’invite pour nos petits compagnons de vie, autorisons nous à verser les larmes qu’ils méritent sans concession, à honorer leur départ comme s’il s’agissait d’ un membre à part entière de la famille, à cheminer au fil du temps au cœur de nos bourrasques émotionnelles , et surtout, à faire fi du regard d’autrui.

A Harty le Magnifique,

Et à tous les autres qui partent bien souvent dans l’indifférence générale,

Véronique