Pour autant que je me souvienne, le compliment a toujours été une affaire compliquée. Petite déjà, c’était très difficile pour moi, car à chaque parole attentionnée, au-delà du fard qui venait à se pointer, j’allais souvent me terrer quelque part au bord des larmes que je voulais cacher. Certains parlent de timidité, d’autres évoquent l’hypersensibilité, moi je dis : un mélange des deux .
Aujourd’hui, Dieu merci, j’ai évolué…. Quoi que…. je rougis encore.
A chaque fois qu’on me fait un compliment, j’avoue être fréquemment saisie d’inquiétude dans la seconde qui suit.
Est-ce que c’est sincère ? Et si c’était de la flatterie ? Est-ce que je mérite autant d’éloge ?
Qu’est-ce qui peut bien tant nous déranger à être enfin honoré dans nos valeurs et dans ce que nous sommes vraiment ?
Il est vrai que les mots gentils semblent tellement désuets aujourd’hui et trouvent difficilement leur place dans nos espaces de pensées toxiques car situés à mi-chemin entre naïveté et mièvrerie.
Pourtant derrière chaque mot, chaque phrase ou chaque geste qui nous porte un peu plus haut, il y a une personne qui fait cet effort de nous regarder et qui a eu cette délicatesse de nous reconnaitre. J’aime à dire d’ailleurs qu’être « reconnu », c’est être deux fois connu, une fois pour ce que je suis, et une autre fois pour ma valeur.
Ainsi donc, je suis invité (e) à recevoir. Hélas personne ne nous a appris à nous mettre en valeur, enfin pour beaucoup d’entre nous (surtout concernant ma génération).
Entre un système scolaire basé sur la récompense et la punition, un système familial hermétique sortant tout droit de l’après-guerre, un système religieux qui nous dit : »Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir bla bla bla »…autant dire que beaucoup d’entre nous sommes restés sur le bas-côté en terme de valeur.
Et tout ça vient me raconter à combien je m’estime sur l’échelle de la dignité.
Et d’ailleurs, suis-je digne de recevoir et de mériter ?
Je crois que le compliment à cette puissance de titiller d’un coup tout notre système émotionnel, au moment où on s’y attend le moins, d’un coup nous voilà touchés dans notre intimité, submergés souvent d’émotions, oui touchés, pour ne pas dire coulés.
Bien sûr, j’entends dire déjà : « oui attention, il faut que ce soit sincère et non manipulé ». Et moi je réponds : pourquoi toujours voir la manipulation ? Et si c’est vraiment le cœur qui parle, alors on a dans les mains une « arme » redoutable pour celui qui sait la manier. De quoi faire tomber toutes les armures en acier avec le fameux « touché-coulé »
C’est vrai que c’est tellement plus facile de s’envoyer des missiles par mail, se prendre une insulte à la volée, ou de s’ignorer tout simplement par jalousie, par maladresse ou par convention sociale.
Face aux menaces d’un monde déjanté, enclin aux guerres , à la violence des mots et à la barbarie des actes, j’ai envie de prescrire cela au monde entier :
- Faire un compliment par jour pendant 365 jours !
Une sorte d’ordonnance mondiale pour l’Humanité pour apprendre à se célébrer !
Imaginez un peu , 8 milliards de personnes qui se félicitent, que cela peut-il donner ? ….si ce n’est un égrégore de Félicité. Rien de mieux pour remettre un peu de lumière dans les ténèbres de notre Humanité.
Être attentionné à l’autre, remarquer la beauté, le changement, l’effort, le travail, la différence, la voix, la gentillesse, et puis surtout ta robe , et puis ton café, n’est-ce pas remarquable tout ça ?
Il est de notre responsabilité de le dire, le redire et le répéter.
Et si on remettait à l’ordre du jour toutes ces petites attentions qui font baisser les tensions du quotidien , ces petites touches de rien du tout, qui ont mauvaise presse dans nos vies pressées, et que l’on a trop vite classé comme futiles, naïves ou légères ?
Là j’avoue c’est mon petit côté Amélie POULAIN, redonner un peu d’espoir et le sourire avec tous ces petits riens. Et puis Flûte,….je l’aime cette légèreté et je la revendique, par les temps qui courent, avec toutes ces guerres qui nous tournent autour, on a tous besoin d’un peu d’Amour.
Et si par bonheur ce texte pouvait être à l’origine de quelques louanges, j’en serai vraiment honorée et j’accepte pour une fois de le mériter.
Au fait, ça remonte à quand la dernière fois que l’on vous a fait un compliment ?
Véronique GABIER
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