Se guérir

Se guérir

Ecrire, le socle de ma vie

Déjà adolescente, j’avais mon petit calepin, mon recueil de poèmes, de pensées, de récits que je mettais en vers, en quatrain,  c’était mon jardin secret, où je n’avais aucune peur de me livrer.  Ma meilleure amie de l’époque qui était la seule personne à qui j’osais montrer mes écrits me félicitait et m’encourageait dans cet exercice de style.

Il est bien évident qu’avec le peu de valeur que je m’accordais, ces compliments-là ne me semblaient pas vraiment destinés.

15 ans n’est pas l’âge où l’on s’accorde beaucoup de confiance.

Puis, il y a eu une deuxième vague d’écriture  beaucoup  moins poétique et beaucoup plus sombre, lié à un évènement dramatique de ma vie lorsque j’ai perdu un être cher en 1996.

Je me suis jetée, corps et âme,  dans la blancheur du papier, avec ma plume pour seul allié, sans aucun doute ce qui m’a  empêchée de sombrer dans les abysses de ma psyché.

Chaque soir, pendant de nombreuses semaines, j’honorais cet irrésistible rendez-vous avec ce que j’avais de plus sombre à traverser dans ma vie. C’était  ma tristesse infinie, ma drogue pour la nuit , mon spleen à moi,  ma guérison nocturne.

Chaque soir, c’est accompagné de l’Aigle noir de Barbara, que les mots , les idées, les images, les souvenirs ont pu se  transformer sur le papier,  mon seul et unique rocher à marée haute pour ne pas couler.

Aujourd’hui, je ne me souviens plus de mes écrits mais il y avait cette fluidité , je n’avais rien à chercher. Les mots ruisselaient comme ça , tout comme le torrent de larmes que je ne pouvais plus arrêter.

Et même si des idées lugubres pouvaient émerger de par la violence de qui m’était arrivé là , le simple fait de les canaliser au travers de ma plume  m’a sûrement épargnée d’une intention funeste dans ma destinée.

Était-ce de l’écriture inspirée ou automatique ?  Etais je connectée ?  Je n’en ai aucune idée mais c’était étrange cette façon d’écrire sans réfléchir, sans que le mental ait le moindre espace pour s’exprimer.

Des mots guérisseurs et précieux ou plutôt « près des cieux » …Des mots pour se rapprocher de celui qui m’avait quittée beaucoup trop tôt , un héritage fragile d’une jeunesse brisée.

L’écriture c’est  bien souvent ce qui reste quand on a plus rien.

D’ailleurs, nul besoin d’être écrivain pour aligner des mots .

Ecrire est à la portée de tout un chacun. Quoi de plus gratifiant que de s’emparer du récit de sa vie ou de quelques fragments de vie et oser en être l’auteur ?

C’est un mot après l’autre que l’on apprivoise son propre  scénario. Une phrase en amène une autre, et c’est ainsi que l’on construit le premier chapitre de sa vie.

Ecrire c’est prendre de la hauteur sur notre histoire, c’est faire un pas de côté pour mieux l’appréhender.

Ecrire c’est Inviter certains épisodes de sa vie dans le secret des non-dits.

Ecrire c’est remettre en ordre les épisodes de sa journée, et positiver.

Ecrire c’est prendre un rendez-vous avec soi-même, une façon de se dire en caractère gras « je t’aime ».

Ecrire, c’est faire une expérience unique, celle de plonger tout en mot  dans sa propre existence.

Ecrire, c’est un accouchement , parfois dans la douleur, pour renaître au monde dans la douceur.

Ecrire pour enfin  arrêter de penser et faire taire définitivement son « flic intérieur ».

Véronique G.