Impossible vs un possible
Tous ceux de ma génération connaissent le dessin animé Bip Bip et le Coyote de la Warner Bross. Vous savez ce coyote qui, voulant rattraper BipBip (une sorte d’oiseau), se précipite d’une falaise pour atteindre l’autre rive du canyon. Il continue à courir jusqu’au moment où il baisse les yeux et réalise effrayé, qu’il est dans le vide. Il tente dès lors de faire demi-tour en rétropédalant à toute vitesse pour retrouver la terre ferme, et il chute !
Je pense que l’on peut quasiment tous s’identifier à ce coyote qui regarde droit devant vers un nouvel horizon (professionnel, sentimental ou un quelconque projet) et qui en cours de trajectoire prend conscience du vide, de l’inconnu et qui rebrousse chemin tétanisé par la peur.
Bien sûr que ce sont nos peurs qui nous attirent dans le vide
Bien sûr que ce sont nos inquiétudes qui nous font chuter
Bien sûr que c’est notre insécurité qui nous fait rétropédaler.
Face à l’inconnu, on est tous des coyotes dans cette traversée des événements de notre vie.
Entre ces deux rives, on est d’accord c’est le vide, l’aventure, l’inconnu, tout ce qu’on nous a appris à éviter. On a tous été endoctrinés avec cette prophétie démoralisatrice :
– « tu sais ce que tu quittes mais tu ne sais pas ce que tu vas trouver. »
Un vrai « mantra » entendu mille fois dans nos foyers.
Avouons-le, on a tous été biberonnés à ne rien quitter et bercés à ne rien lâcher.
Changer de cap dans sa vie, prendre des décisions importantes, des virages à 180 degrés, toutes ces équations avec de multiples inconnus où, effectivement, on ne sait pas trop ce qu’on va trouver !
Pourtant, très souvent, il nous est demandé de convoquer un peu de courage dans le profond sommeil de nos vies.
Prendre notre pouvoir de décision à deux mains, trancher dans une réalité devenue souvent insupportable, trop exigu ou simplement par besoin viscéral de s’oxygéner ailleurs car c’est souvent au bord du malaise, du mal-être, de notre propre précipice intérieur, que nous sommes invités, coûte que coûte, à franchir le mur de nos peurs.
Renoncer à cette rive que je connais parfaitement, qui me donne l’illusion d’un confort, cette donnée pourtant si précaire, que je vais devoir quitter pour prendre un Rendez-vous en terre inconnue.
C’est vrai, je ne vois pas toujours distinctement l’autre rive , j’en perçois à peine les détours, et il faut bien reconnaitre que c’est flippant . Pourtant, n’est-ce pas ce qui nous maintient en vie, et qui nous sort de notre léthargie, ce qui nous empêche de nous éteindre complètement ?
Et c’est précisément dans cet espace de vide, cet entre-deux, ce presque rien que notre puissance est activée. Entre la point A et le point B , au cœur de cette traversée du canyon c’est à cet endroit précis, où l’on est vivant.
C’est justement dans cet espace d’insécurité et de non confort, cette zone de turbulence, sans aucun parachute doré où tout est à faire et à refaire, à construire ou à déconstruire, où nos objectifs sont à portée de main, c’est bien ici que je vais évoluer, et me surprendre en tant que créateur de mes lendemains.
J’ai lu un jour sur internet cette phrase qui m’a fait réagir et sourire.
« ça passe ou ça passe », un choix illusoire qui sous-entend avec humour que, dans tous les cas, et bien ça va aller.
Après tout c‘est vrai, et si jamais, dans le pire des cas, …ça se passait bien ?
Et si on envisageait les évènements sous un prisme positif une bonne fois pour toute, non ?
Alors, bien sûr il arrive parfois que notre ligne de mire soit mal évaluée, et que l’on tombe à côté. Pour autant, est-ce la fin de notre monde ? N’y aura-t-il pas une main bienveillante, et bien vaillante pour nous rattraper ? Comme un coup de chance, un coup de pouce de la vie ! Je le sais par expérience quand ça patine un peu avec les aléas du chemin, il y a bien heureusement une plume du destin qui tombe à point
nommé.
Et grâce à cette expérience, car je ne parle pas d’échec, et bien demain, j’en retire les conséquences, et je recommence.
Je sais, je fais partie de cette catégorie de personnes, dont on dit qu’elles sont « collées au plafond « , « allumées de la cafetière », ou que sais-je encore. Il est vrai que j’aime bien voir le verre quand il est à moitié plein, ce qui fait souvent sourire ceux qui passent leur vie dans cette fameuse « moitié vide ».
Ainsi, revenons à notre coyote « expérienceur » malchanceux de la Warner.
On a tous compris que s’il chute c’est parce qu’il prend peur en regardant en bas car il prend conscience du vide.
Alors imaginons le traverser avec le regard frondeur, sans sourciller, avec cette foi inébranlable dans ce qu’il va trouver de l’autre côté (en l’occurrence sa proie Bipbip).
Et l’air devient complétement solide sous ses pieds.
Rêve impossible ou « un possible » rêve, sans doute entendons-nous uniquement ce que nous sommes prêts à entendre .
Véronique